mercredi 5 octobre 2016

Mots d'auteurs : Aurore Py

Mots d'auteurs-Les dessous de la plume
Bonjours Aurore, merci de te prêter au jeu de la rubrique « mots d’auteurs » ! J'ai eu le plaisir de chroniquer ton premier roman Les fruits de l'arrière saison qui fut un réel coup de cœur ! Récemment est paru Lavage à froid uniquement, un polar plein d'humour qui a rencontré sans peine ses lecteurs. Sans plus attendre, je vais te poser quelques questions :

Aurore : Merci Laura de me donner la parole !

1. Dans la partie biographie de ton site, tu nous indiques que tu partages ton temps entre ta vie de famille et l’écriture. As-tu quelques astuces à nous donner pour arriver à conjuguer l’un et l’autre ?

Tout ceci serait impossible sans l'implication de mon mari et son désir de me soutenir dans mon métier d'auteure. À mesure que mes enfants grandissent, qu'ils comprennent que je travaille même si je suis à la maison, j'ai moins l'impression de devoir lutter pour trouver du temps pour écrire. Mais il y a toujours des périodes plus simples que d'autres...

2. Tes deux romans : Les fruits de l'arrière-saison (réaliste) et Lavage à froid uniquement (enquête) appartiennent à des genres différents. Tu as changé de registre par choix ou cela s’est-il imposé à toi durant l’écriture ?

Cela s'est imposé avant l'écriture de Lavage à froid uniquement. Mon premier roman, Les fruits de l'arrière-saison, se passe dans les années 30 et il a nécessité beaucoup de recherches historiques, géographiques, bibliographiques. Quand j'attendais les retours d'éditeurs pour ce texte, j'ai eu envie de me changer les idées, et de partir sur quelque chose de plus léger, dans tous les sens du terme. Donc j'ai opté pour un roman qui se passe dans la ville où je vis, à notre époque. Le lexique est plus familier, le ton beaucoup plus désinvolte. C'était un peu une récréation au départ, même si à l'arrivée, j'ai consacré à ce roman sans doute autant d'heures qu'au premier !


5. Ton polar, ou roman d’enquête selon la classification est écrit dans un style d’écriture tout à fait différent de celui que tu adoptais dans ton premier roman. Le ton est drôle, spontané, plus oral aussi. Ce changement de style t'a-t-il demandé un temps d’adaptation ? Tes processus d’écriture ont-ils évolués entre temps ?

Quand j'écris, je vais naturellement vers un style très écrit, au passé, à la troisième personne. Lavage à froid uniquement est un récit à la première personne et au présent. À la fois c'était plus simple de se laisser aller à un style plus oral, comme tu le dis, puisqu'il y avait moins de recherche littéraire et que c'était spontané, et en même temps, ça heurtait parfois la lectrice que j'étais. Je savais qu'il fallait un ton familier pour que cela fonctionne, mais j'ai parfois dû me faire un peu violence, par exemple dans l'utilisation d'anglicismes qui me semblaient cohérents avec le vécu des personnages.

Mes processus d'écriture évoluent. J'ai commencé à écrire sur le tard, en 2012. J'avais 32 ans. Mon premier roman est sorti presque naturellement, je ne me suis pas trop posé de questions et j'ai été la première surprise de voir que j'étais parvenue à achever un texte. Pour le deuxième, j'ai réfléchi plus tôt à la structure du roman. J'écris sans plan précis, mais lorsqu'on tend vers le polar, il faut avoir un minimum de repères en écrivant pour retomber sur ses pieds.
Je viens d'achever mon troisième roman, et j'ai réussi pour la première fois à écrire des chapitres dans le désordre (le 15e avant le 12e par exemple). Je pense que je parviens mieux, en cours d'écriture, à prendre du recul sur le texte et à anticiper sur l'histoire.

4. Dans Les fruits de l’arrière-saison, tu dépeins avec soin le caractère et la psychologie de tes personnages, ce qui les rend à la fois attachants et crédibles. À certains moments, on a même l’impression qu’ils prévalent sur l’intrigue, tant ils sont au premier plan. Comment as-tu réalisé un tableau si précis ? T’es-tu appuyée sur des fiches, des notes, ou inspirée de personnes réelles ?

Ce n'est pas l'intrigue qui me fait commencer un roman, c'est un personnage, ou plusieurs. Je réfléchis aux personnages que je veux mettre en scène, et quand ils sont suffisamment précis dans mon esprit, je me lance. Pour le reste, j'ai seulement quelques idées sur le cadre et l'époque, une brève vision de là où je veux aller. Je me laisse emporter par mes personnages, s'ils sont assez denses, assez cohérents, ils vont me conduire dans leur histoire, et je considère que mon travail est de les suivre.
Je prends des notes avant l'écriture, en cours d'écriture quand un aspect d'un personnage ou de l'intrigue s'impose. Mais l'essentiel est dans ma tête. Je sens comment le personnage va évoluer. Je ne fais pas le portrait de personnes réelles. Ou alors c'est un mélange entre plusieurs personnes. Mais les détails, les anecdotes, ce qui rend un personnage crédible et ancré dans la réalité, ce sont des choses que j'observe ou que j'ai vécues.

5. Lavage à froid uniquement se passe en Lausanne une ville Suisse où tu vis et travaille. Pourquoi avoir choisi ce lieu ? Était-ce pour y rendre hommage, pour glisser dans le texte des éléments biographiques ?

C'était en partie par "facilité" comme je l'ai expliqué plus haut, mais c'est aussi un hommage. J'aime beaucoup cette ville. Elle est déroutante et fantasque. Architecturalement très hétérogène, construite sur deux niveaux, bordée par le Lac Léman, elle ne se laisse pas facilement saisir. Elle me fascine un peu.

6. Avec la sortie de ce dernier roman, en 2016, tu t’es retrouvée en pleine période de promotion. As-tu une anecdote marquante à nous raconter à ce sujet ?

Le dernier salon que j'ai fait a eu lieu à Morges, en Suisse, tout à côté de Lausanne. C'était fantastique car comme l'histoire de mon roman se déroule à Lausanne, les discussions avaient une saveur particulière. Je me souviens en particulier de deux rencontres qui m'ont particulièrement touchée.

J'ai la chance que mon roman soit disponible en version audio à la bibliothèque sonore romande. Je suis toujours très émue de savoir mes livres en bibliothèque, mais dans ce cas précis, une personne avait en plus pris le temps de l'enregistrer intégralement. Et cette personne est venue se présenter à moi alors que j'étais en dédicace. J'ai ainsi eu le plaisir de faire sa connaissance.

L'autre anecdote relève d'une coïncidence incroyable. J'avais fait quelques envois en format papier de mon manuscrit à des éditeurs. Je m'étais donc rendue à la poste de Lausanne pour les déposer, et comme ils étaient destinés à des éditeurs situés en France, il fallait indiquer précisément ce que contenaient les colis. Cela a interpellé la postière qui était alors au guichet, passionnée de lecture, et l'on a donc discuté quelques instants.
Et voilà qu'un an et demi plus tard, cette dame vient me voir à Morges pour obtenir une dédicace. Elle avait noté mon nom à l'époque et avait donc surveillé la sortie éventuelle de mon roman. C'est vraiment une chose étonnante, car il y a plus de vingt guichets, dans cette poste, et il fallait déjà que je tombe sur elle. Et évidemment, c'est extrêmement touchant qu'elle ait suffisamment cru en moi ce jour-là pour noter mon nom, alors que moi-même je n'étais qu'incertitude. En fait, elle m'a porté chance, car dans le lot des colis, il y avait celui pour mon éditeur actuel, les Editions de l'Aube.


7. Écrire un roman demande de passer par plusieurs étapes, la réflexion, les premières lignes, l’achèvement du premier jet, la réécriture, la quête éditoriale… Y en a-t-il une que tu redoutes particulièrement ?

La première phase d'écriture est la plus incertaine. Comme je construis mes récits au fur et à mesure, je crains toujours de ne pas avoir assez d'imagination pour les mener à bien. Mais une fois ce cap passé, c'est assez excitant. Bien sûr, il faut de la discipline et certains jours, je dois combattre la procrastination à grands coups pieds à l'arrière-train.


8. J’en viens à une question que j’adore poser, je l’avoue. As-tu des petits tics d’écriture, des rituels, dont tu voudrais nous parler ?

Il y a une phrase qui me convient bien :

« Pour commencer, je fais toujours une pause »

Avant de commencer à travailler, je bois un café, je regarde mes mails, je fais le tour des sites que j'aime bien. Mais je sais déjà que je vais écrire, alors, en douce, mon cerveau commence à se brancher sur le roman, à trouver des phrases d'accroche, à réfléchir à tel personnage. Quand je ne tiens plus, je passe à mon traitement texte, et là je ne me laisse pas distraire. C'est un moyen assez efficace de contourner la peur de la page blanche.

9. Une fois le travail d’écriture terminé, comment vous organises-tu la relecture et la correction ?

Alors, je suis en plein dedans, parce que je viens tout juste de finir mon troisième roman. Je mets du temps à écrire le premier jet (cinq mois pour ce projet-ci) parce que je corrige beaucoup au fur et à mesure. Donc la phase finale de correction n'est généralement pas très longue (3-4 semaines). Je commence par tout relire sur ma liseuse, pour traquer les phrases faibles, les incohérences. Puis je passe mon texte dans le correcteur Antidote, pour corriger les fautes de grammaire, orthographe, ponctuation qui m'ont échappé et pour faire la chasse aux répétitions. Je relis une nouvelle fois l'ensemble. Lorsque je suis satisfaite, je le fais lire à mon mari, qui est toujours mon premier lecteur. Il a un œil d'aigle pour les fautes, les problèmes de rythme, etc., c'est très précieux. J'en suis à cette phase-là actuellement. Une fois les dernières corrections reportées, j'imprime le texte et je le lis une fois encore. Ensuite, je l'envoie à mon éditrice.

10. Pour finir, quels sont tes projets en cours ?

Ce troisième roman donc, qui devrait sortir au printemps prochain, s'il a l'heur de plaire à ma maison d'édition. Puis je vais m'atteler à la suite de mon premier roman, et donc me replonger dans les années trente et la campagne bourguignonne.

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