dimanche 11 décembre 2016

Chronique : Jaworski - Gagner la guerre

Titre : Gagner la guerre
Auteur : Jean-Philippe Jaworski
Éditeur : Les moutons électriques
Genre : Fantasy

Je me souviens du jour où l’on m’a parlé de Jean-Philippe Jaworski, que mon interlocuteur me désignait comme un maître de la fantasy. Ayant toujours été friande des genres de l’imaginaire et de l’écriture ornementée, je me suis intéressée à sa bibliographie. J’ai lu tout d’abord son recueil de nouvelles, Janua Vera, que j’ai beaucoup apprécié. J’ai commencé Gagner la guerre et l'ai dévoré en quelques jours.



Qu'est-ce que Gagner la guerre ?

Gagner la guerre se déroule dans un univers inspiré de la renaissance Italienne. Nous y suivons les péripéties de Don Benvenuto, un personnage que les lecteurs avaient déjà découvert dans « Mauvaise donne », une nouvelle appartenant au premier recueil de l’auteur, Janua vera. Maître assassin, il devra faire appel à toutes ses facultés de réflexion et à son agilité pour tirer son épingle du jeu et réaliser la mission qui lui est confiée par le podestat Leonide Ducatore, dirigeant de la république de Ciudalia.

Un roman riche et innovant  :


La première fois que j’ai lu le roman, j’étais partagée entre la surprise et l’amusement. L’auteur sait nous plonger dans cette histoire, brillamment narrée par Benvenuto Gesufal, qui nous présente le travail dont l’a chargé le podestat. Bien qu’un peu étonnée par l’emploi de la première personne, j’ai pu par la suite remarquer que ce choix donnait une véritable dimension cynique au récit. Jaworski nous fait voir le monde par les yeux d’un assassin, non pas motivé par un désir de rédemption comme on pourrait le croire, mais suivant sa logique, sa propre rage de vivre. Ce point de vue si particulier apporte à l’histoire un dynamisme et un caractère qu’elle n’aurait pas eu sans cela et qui se ressent même dans le style d’écriture. Je n’ai pas cessé d’aller de surprise en surprise, et ai été emportée jusqu’à la dernière ligne.


Parlons maintenant de l’histoire. Le roman est constitué d’une trame complexe. J’y ai retrouvé des intrigues politiques riches, un univers travaillé, dans lequel la question de la magie est abordée sous un angle nouveau, plus sombre que dans les récits de fantasy habituels. Si une grande place est accordée à la politique, faisant la part belle aux discours des personnages, l’histoire n’est pas pour autant avare d’action. Allant de batailles navales à des courses poursuites dans les ruelles étroites de Ciudalia, Gagner la guerre ne cesse de renouveler l’attention des lecteurs. Enfin, c’est bien le choix du narrateur qui donne son piquant à l’œuvre. Je me suis amusée des expressions de Benvenuto, j’ai été parfois offusquée par ses actes ou suis restée stupéfaite devant l’intelligence dont il faisait preuve. Une chose est sûre, le caractère de ce brigand ne laisse pas de marbre.

J’ai fini cette histoire avec un pincement au cœur, et l’impression d’avoir vécu une grande aventure. Ceux qui liront le livre comprendront pourquoi un sourire est apparu sur mes lèvres à la dernière ligne, lorsque l’un des personnages est parvenu à m’étonner par une ultime pirouette.


Le style et l’intrigue de Gagner la guerre :


Même si les ramifications de l’intrigue sont multiples, celle-ci s’articule principalement autour de Benvenuto. Pendant plus de sept cents pages, nous voilà donc entraînés dans une histoire où est pensé chaque détail. Et une chose est sûre, cette aventure a le mérite d’être originale. Les événements s’enchainent bien, les transitions sont maîtrisées et chaque élément a sa place et son utilité. Dès lors, l’histoire ne souffre d’aucun temps mort.

Outre l’intrigue, le style de l’auteur est sans doute ce qui m’a le plus frappé dans ma lecture. Par sa justesse, par son travail sur la langue, Jaworski a su adopter une écriture qui nous fait savourer chacun de ses mots. À cela s’ajoute une précision, presque chirurgicale, quand il s’agit notamment de parler de blessures ou de batailles. La rencontre entre le vocabulaire soutenu de l’auteur et celui, familier, de Benvenuto donne toute sa couleur à Gagner la guerre. Ce contraste fait naître des passages drôles, des expressions cyniques qui rendent le roman si particulier. Les descriptions sont un délice et dépeignent au mieux l’environnement et les pensées des personnages. Les dialogues suivent le même modèle, et les mots y prennent toute leur force. Ils sont maîtrisés et nous permettent de ressentir toute la tension des conflits politiques.

Bien que l’histoire soit centrée sur Bevenuto Gesufal, le roman nous offre une riche palette de personnages. Gagner la guerre met surtout en scène des individus de la haute société. On y retrouve des figures politiques et leur entourage, mais tous sont construits et l’auteur ne verse pas dans les stéréotypes.


Que faut-il retenir de ce roman ?


En commençant cette chronique, j’ai craint de ne pas pouvoir aborder tous les points forts de ce livre tant il y avait de choses à dire. Gagner la guerre est une œuvre surprenante et marquante, qui n’épuise pas le lecteur en dépit de sa taille importante. Elle mérite d’être saluée pour la complexité de son style et de son histoire.
Je suis ressortie bouleversée de cette lecture, mais aussi incroyablement satisfaite. Lorsqu’on commence un livre, on passe un pacte avec son auteur, il doit parvenir à nous faire voyager, à nous faire croire en son récit. La promesse est tenue ici et c’est la raison pour laquelle je voulais vous parler de Jean-Philippe Jaworski, un immense coup de coeur.

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